En 2015, une mère de famille, Sonia, a permis d’éviter un nouvel attentat en dénonçant Abdelhamid Abaaoud, l’un des chefs des commandos du 13-Novembre. Son témoignage, au péril de sa sécurité, a permis aux enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire de prendre au sérieux son détails en apparence anodin. Cette femme, qui a choisi le pseudonyme de Sonia, raconte anonymement à la comédienne qui l’interprète dans le film les circonstances qui l’ont amenée à se retrouver face à ce terroriste.
Le soir du 15 novembre 2015, la jeune femme reçoit un appel de son oncle, demeurant en Belgique. Il lui demande de récupérer son cousin qui aurait fugué en France. La jeune femme convainc alors Sonia et son compagnon de la conduire à Aubervilliers et leur explique que son cousin n’est âgé que de 17 ans. Lorsqu’ils arrivent sur les lieux, Sonia et Hasna vont seules au-devant d’un homme d’une trentaine d’années qui sort de buissons situés sous une bretelle d’autoroute. Sonia reconnaît immédiatement Abdelhamid Abaaoud, dont Hasna lui avait parlé une fois.
« C’est mon cousin de la Syrie ! », lui avoue, joyeuse, la jeune femme. « J’ai fait tout de suite le rapprochement. Elle nous avait montré la vidéo de terroristes qui traînaient des cadavres en Syrie. Elle m’avait dit que c’était son cousin. (…) On ne l’avait pas crue. » Lorsque Sonia, déstabilisée, lui demande s’il a participé aux attentats du 13-Novembre, Abdelhamid Abaaoud lui répond fièrement : « Les terrasses, c’est moi ! » « C’est sa phrase exacte. Il sautait sur lui-même, tellement il était heureux de ce qu’il avait fait. C’était la gloire », se souvient-elle.
Il affirme alors que d’autres attentats sont prévus dans les prochains jours à la Défense à Paris. Sonia, musulmane elle-même, ne peut contenir sa colère. « Tu as tué plein d’innocents, tu as même tué des musulmans ! (…) Ce n’est pas ça l’islam, c’est une religion de paix ! » Abdelhamid Abaaoud se fait alors menaçant. « Je vois le mal en personne devant moi », se souvient Sonia, qui décide de garder son calme face au danger que le terroriste représente. Elle lui propose alors son aide. « Je me dis qu’il va falloir être plus maligne que lui, et qu’il faut surtout l’empêcher de terminer ce qu’il a commencé », poursuit la mère de famille.
Le lendemain, le visage du terroriste s’affiche sur toutes les chaînes de télévision, les autorités ayant fait le lien entre Salah Abdeslam, identifié grâce à un contrat de location d’une voiture abandonnée, et Abdelhamid Abaaoud. »Dans les réunions que nous avions, [Abdelhamid] Abaaoud était clairement identifié comme le chef des opérations », explique l’ancien président de la République François Hollande. Mais la plupart des services de renseignements français et étrangers estiment qu’il est alors localisé en Syrie. D’autres sources le croient mort.
« J’étais stupéfaite, se remémore Sonia. (…) Ce n’est pas possible. Le mec est vivant (…), devant moi, j’ai parlé avec lui, et ils disent qu’il est mort ou en Syrie ! » Elle se décide alors à appeler la police. Les autorités, submergées d’appels, ne négligent aucune piste, mais les enquêteurs restent d’abord perplexes face à ses affirmations. « Lorsque l’on reçoit ce témoignage, on en discute, car effectivement, beaucoup n’y croient pas. Vu le niveau de sophistication des attentats, on [n’imagine] pas Abaaoud réfugié dans un buisson », se souvient Philippe Chadrys, qui dirigeait alors la Sdat de la police judiciaire.
Sonia est convoquée le jour même à Levallois-Perret, où se trouve le siège de la sous-direction anti-terroriste. Elle y est interrogée plus de deux heures. Ils lui soumettent des photos des terroristes, elle reconnaît clairement Abdelhamid Abaaoud. « Après, la dame me dit : ‘Il était habillé comment ?’ Donc, j’ai décrit : il avait un bombers, un jean, un bob sur la tête et des baskets orange », précise Sonia. La couleur des baskets du terroriste, relevée par un témoin présent sur les terrasses attaquées, puis par des images de vidéos de surveillance de la RATP la nuit du drame, convainc les enquêteurs de la véracité des déclarations de Sonia. « Cette information n’est pas diffusée dans la presse, rapporte Nicolas Guidoux, commissaire à la Sdat. Elle ne peut pas l’inventer, ce qui évidemment va nourrir la crédibilité de son témoignage. » Le 18 novembre 2015, grâce aux informations fournies par Sonia, le Raid donne l’assaut dans un immeuble de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) où Abdelhamid Abaaoud vient de trouver refuge avec un complice. Ce dernier, Chakib Akrouh, fera alors sauter sa ceinture explosive, provoquant la mort d’Abdelhamid Abaaoud et de sa cousine Hasna.
Les quatre épisodes du docu-fiction, intitulé 13-Novembre, le choix de Sonia, réalisé par David André, est diffusé jeudi 13 novembre à 21h10 sur France 2, et visible sur la plateforme france.tv. Pour la sécurité de Sonia, ni l’actrice qui l’incarne, ni l’équipe de la série n’ont vu son visage. Ils ne connaissent pas son nom et sa voix a été modifiée.